Le poids des griots politiques au Niger

8 septembre 2015

Le poids des griots politiques au Niger

TAM 010

En dehors des funérailles, les services du griot sont recommandés dans toutes les cérémonies au Niger. Les populations chantent et dansent aux rythmes musicaux de leurs régions. Dans les villages, ils n’ont même pas besoin d’être invités à la cérémonie. Ils se joignent à la fête sans gêne. On se demande même comment ils sont informés. Avec l’avènement de la démocratie, ceux qui ont un don et qui savent bien chanter complètent les cortèges lors des meetings politiques. 

Les griots participent à des baptêmes, des mariages, vous pouvez les retrouver même dans des réunions politiques, pour galvaniser la foule. Mais cette couche sociale est très mal vue dans nos sociétés. Elle se range au bas de l’échelle dans le classement social. Dans toute l’Afrique, un griot appartient toujours à la basse classe. D’ailleurs, « sans eux qui véhiculent l’histoire de père en fils, la majorité des œuvres anciennes qui forment le patrimoine socioculturel seraient oubliées depuis longtemps ». Le mariage entre une fille de « famille noble » et un garçon griot (ou vice versa) se heurte parfois à des fortes résistances des parents. Les griots sont considérés comme une ethnie de seconde zone. Ils ont leur roi, dont les enfants ne peuvent pas s’appeler princes. C’est un titre honorifique, sans aucun pouvoir que lui attribue le roi à cause soit de son âge ou de son talent. Dans la société traditionnelle nigérienne, le griot est toujours au service du roi, le chef. Mais tout cela, c’était dans le passé. Avec la politique et le modernisme, les griots on atteint un niveau de vie sociale plus important que certains chefs traditionnels.

Aujourd’hui, ils sont fiers d’être de vrais animateurs dans l’arène politique. Au Niger, chaque parti politique à au moins une troupe musicale propre qui ne chante que ses bienfaits. Jamais de notes négatives. Pendant les campagnes, ils ont un grand poids. Le duo Kadri Bouda et Saidoua a fait la joie de tous les militants du PNDS. Aujourd’hui la troupe musicale »Albichir » de Tchiro est très appréciée. Feu Dan Kobo a beaucoup contribué à la Convention démocratique et sociale (CDS RAHAMA). Les autres partis louent les services des chanteurs nigérians. Tout comme les politiciens eux-mêmes, leurs chanteurs font des défections. C’est le cas de Habsou Garba, une grande diva autre fois au Mouvement national pour la société de développement (MNSD), qui chante désormais pour LUMANA AFRICA. Douda quant à lui a presque fait tous les partis. Aujourd’hui, il se glorifie de sa transhumance et roule dans des V8. Même si leur rôle s’arrête à l’animation, les griots sont très importants pour rassembler du monde lors d’un meeting. Et ces dernières années, depuis que les politiciens ont commencé à leur payer des voyages à la Mecque, leur attachement à cet art oratoire est de plus en plus grand. Avec des chants politiques, certains artistes musiciens traditionnels nigériens sont aujourd’hui connus dans tout le pays et même à l’extérieur. D’autres sont devenus riches ou ont vu leurs conditions de vie s’améliorer.

Après chaque meeting, le griot-chanteur présente au public son chant favori composé pour le parti. Parfois, on n’arrive même pas à faire la différence, si le refrain est dédié au parti réellement ou à son numéro 1. Qu’il résonne bien ou pas, l’objectif du griot est de stimuler la foule. C’est vrai donc, « la musique est une drogue » ? L’écrasante majorité des griots politiques n’a pas été à l’école. Ils ne peuvent rien comprendre des objectifs de la formation politique dont ils font l’éloge. Mais du moment où ils réussissent à intégrer l’équipe de campagne, comme groupe d’animation, une partie des objectifs est atteinte. Ils pensent plutôt aux liasses de billets qui leur seront données par les militants gagnés par la joie et l’extase. Certains spectateurs sans avoir pris soin de laisser quelque chose à leur famille avant de sortir, se retrouve en train d’offrir sans compter à un griot qui a juste prononcé le nom du parti. « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute ». Cet argent et autres cadeaux et leur seule récompense. Aucun d’eux ne pense un jour être promu à un poste de responsabilité. D’ailleurs après les campagnes électorales, ils replongent tous dans le « chômage technique » en attendant les prochaines échéances électorales. Ils reviennent à la case de départ. Ceux qui ne peuvent plus se passer de leur nouvelle situation rodent devant les maisons de cela qui profitent de la chose : directeurs, ministres ; chef de cabinet, entrepreneurs du parti, etc., ceux qui ont réussi.

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Commentaires

Benjamin Yobouet
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C'est ça aussi la politique à l'africaine. Ils ne finiront de nous étonner.

Amitiés!

Gilbert LOWOSSOU
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En période de campagnes , tout le monde sait que les vannes sont un peu ouvertes. Chacun veut sa part du gâteau.
Texte très instructif.
Courage

ASSOUMANE Habibou
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En tout cas au moment des campagnes électorales,l'argent circule même dans les villages.Merci beaucoup poiur votre soutien!