Les funérailles dans les villages Hausa

Article : Les funérailles dans les villages Hausa
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18 juillet 2016

Les funérailles dans les villages Hausa

Selon le dictionnaire Larousse, les funérailles sont l’ensemble des cérémonies qui accompagnent un enterrement. Chez les Hausa, elles sont communément appelés « jana’izah ». Bien que son organisation dépende de ce qui a été recommandé par la religion islamique, il n’est pas exclu de rencontrer des dissimilitudes d’une région à une autre, d’un village à un autre, d’une ethnie à une autre. Voici à quoi ressemblent les funérailles dans les villages nigériens.

L’annonce du décès

Les Hausa en général, et particulièrement ceux du Niger, sont une ethnie fortement islamisée. Ainsi, ils pratiquent leur enterrement conformément à ce qui a été prescrit par la loi islamique.

Lorsqu’une personne décède, qu’elle soit homme ou femme, on la couche sur son côté droit, allongée sur la position nord-sud, sa tête vers le sud et le visage tourné vers l’Est, en direction de la Ka’abah (Maison sacrée de Dieu). Cette position est appelée kwancin Gawa. Ce sont parfois les cris et les pleurs des femmes et des petits enfants qui annoncent le décès dans les ménages. Subséquemment, dès qu’on entend ces pleurs, surtout s’il y a un malade dans la famille, on déduit que ce dernier a rendu l’âme. Lorsqu’il s’agit d’une mort subite, ces cris de détresse suscitent des interrogations et les sages du village convergent vers le lieu pour se renseigner. Aussitôt le décès confirmé, les préparatifs des funérailles commencent. Car, selon la religion musulmane, il est interdit de garder la dépouille mortelle pendant une longue période. On doit l’amener dans sa « dernière demeure » au plus vite. Surtout dans les zones rurales, où il n’existe pas de morgues comme dans les centres urbains. Qu’il soit une mort définitive ou un simple chauma, les villageois n’attendent pas. Ainsi, d’aucun pensent que certaines personnes sont enterrées vivantes au village.

Des messagers sont envoyés dans les villages environnants pour informer les parents proches. Aujourd’hui, avec l’avènement du cellulaire, des réseaux sociaux à portée de mains, les messagers sont délaissés. Dans le village, tout le monde masculin majeur se mobilise pour l’enterrement. Des petits enfants de moins de 15 ans assistent aux enterrements maintenant. Quand j’étais enfant, il y avait un grand respect pour les morts. Lors d’un décès dans notre village, on est confinés dans les chambres. Par peur, aucun enfant ne peut sortir dehors. Les femmes ne pileront pas le mil. Toute manifestation prévue ce jour dans le village est automatiquement suspendue ou reportée.

Toilette, habillage et creusage de la tombe

Dans un premier temps, une équipe composée des jeunes hommes se rend au cimetière, qui se trouve toujours à quelques mètres des habitations. Cette tombe est creusée en fonction de la toise (taille) du défunt. Sa largeur ne dépasse pas aussi 20cm. Sa profondeur n’atteint guère un mètre. Une deuxième équipe composée des personnes âgées et des proches du défunt, reste dans la famille. En ce qui concerne la purification de la personne morte (toilette et ablutions), lorsqu’il s’agit d’un homme, ce sont les hommes qui le nettoient et pour une femme, ce sont les femmes (généralement des vieilles dames) qui s’en chargent.

Une troisième lui fait la sutura (un terme arabe qui veut dire porter des habits, se couvrir) qui  consiste à :

  • Défaire les tresses (pour les femmes) ;
  • Faire la toilette au défunt ou à la défunte ;
  • Lui faire ses dernières ablutions ;
  • L’habiller ;
  • Le parfumer si possible ;
  • Et enfin l’habiller.

Mais, comment est confectionné l’habillement d’un mort selon le sexe ?

L’habillement d’un mort est aussi le reflet de sa tenue étant vivant. Lorsqu’il s’agit d’un homme :

On lui confectionne une petite chemise, un pantalon et un bonnet.

Pour la femme :

C’est  une robe, un pagne, un foulard et un voile.

La couture est faite à la main par les hommes à l’aide de fil blanc et d’une aiguille.

La prière des morts

La prière des morts ou sallah zana’iza vient en avant dernière position. Elle consiste à déplacer la dépouille devant une ou plusieurs rangées de fidèles hommes (composées de la première et de la troisième équipe) pour lui rendre le dernier hommage. C’est une prière très particulière qui se pratique dans la cour du défunt, en dehors mais jamais dans une mosquée (sauf dans un cas exceptionnel). Aussi, elle se pratique en station debout du début jusqu’à la fin : pas d’inclinaison, ou de prosternation. Dès qu’elle est finie, la dépouille est transportée au cimetière après la confirmation de la deuxième équipe que, la tombe est achevée. Le cortège funèbre se déplace dans un grand silence hormis quelques voix qui prononcent le takhbir « allahu akhbar » (Dieu est grand). Le port de la dépouille est fait à tour de rôle dans une sorte de cercueil (brancard, lit) conçu avec des branches de rônier « mankara ». Il est utilisé pour transporter toute personne jeune ou adulte morte, homme ou femme sauf les bébés. Il est ramené au village et gardé dans la mosquée à la fin de la séance. Il est aussi important de préciser que dans le cortège funèbre, la dépouille reste toujours derrière, ou au milieu, mais jamais devant le cortège.

Dernière étape du voyage céleste

Au cimetière, la dépouille est placée devant la tombe au côté ouest avant de bien arranger cette dernière. Aussitôt qu’elle a subi quelques retouches, la dépouille ensevelie dans un linceul est placée dans sa dernière demeure. Tous ceux qui sont présents prononcent le takhbir « allahu akhbar ». D’autres fondent en larmes. D’autres observent sans rien dire. Après avoir arrangé sa position dans la tombe, on la couvre avec du bois d’abord, puis de la paille fraîche (si c’est en saison pluvieuse) ou des branchages sur lesquels on fait passer du banco pétri. Après on procède au remblayage de la tombe jusqu’à une certaine hauteur. Toutefois, il faut rappeler que ce n’est pas tous les morts qui sont enterrés au cimetière public. Les chefs, les riches, et les grandes personnalités du village sont enterrés dans leurs concessions. Selon des rumeurs villageoises, ce traitement est fait pour éviter la profanation de leurs tombes par des sorciers qui amputent certaines parties de la dépouille à des fins mystiques.

Enfin, le cortège revient au village où se passe le « du’a » (invocations) pour la personne décédée. Dans certains localités où le du’a est fait au cimetière avant de regagner le village. Cette question de du’a pour les morts, divise les marabouts, les Uléma, tant dans les zones rurales qu’urbaines au Niger.

Les personnes qui sont sur le lieu présentent leurs condoléances aux parents du défunt ou de la défunte. Pendant trois jours successifs, un groupe de personnes restera chez le défunt pour recevoir les condoléances. Ce groupe se reconnait par le grand silence qui le caractérise. Mais aujourd’hui, c’est tout à fait le contraire. Ce  lieu est devenu une tribune de toutes les diatribes.

Le comportement de l’époux ou de l’épouse du défunt

Si c’est la femme qui a perdu son mari, elle observera un deuil, une période de veuvage (takaba ou ragga) de 130 jours (4 mois, 10 jours). Au cours de cette période, il lui est interdit de se marier, d’avoir des rapports sexuels et de porter des vêtements neufs. Elle doit porter un voile de couleur noir symbolisant le deuil. Elle n’utilise pas le parfum et toute autre chose pouvant la rendre séduisante. Par contre l’homme n’a pas des restrictions comme la femme. Il peut même se marier quelques jours après le deuil.

 

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Commentaires

issbill
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Merci pour ce enseignement frère. Instructif.

ASSOUMANE Habibou
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Merci et heureux de te lire bientôt encore