Le baptême dans la société nigérienne

Article : Le baptême dans la société nigérienne
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20 juillet 2016

Le baptême dans la société nigérienne

Après une semaine de naissance, une cérémonie est organisée pour donner un nom au nouveau né. C’est le baptême. Même si les avis sont partagés entre les religieux sur certaines étapes de ce rite, il n’est pas aussi organisé à tous les nouveaux nés. Bref, voilà en quoi se résume une cérémonie de baptême ou « zanen suna » au Niger.

 Le baptême est une Sunna fortement recommandé mais qui n’entre pas dans les actes obligatoires en islam. Au Niger, ce sont les enfants conçus dans le cadre du mariage qui sont baptisés. On les appelle les enfants légitimes. Un enfant né hors de cette union sacrée est appelé bâtard ou enfant illégitime. Même si le père le reconnait après, il ne bénéficie pas de tous les avantages qu’ont ses frères légitimes. C’est-à-dire, au il  ne peut jamais hérite son père à sa mort même s’il est le plus riche de la planète. Concevoir un enfant en dehors du mariage est une honte chez moi. Il n’apporte aucune joie, aucune gaité à la famille. Qui pourra lui  consacrer ces dépenses ostentatoires qui caractérisent une cérémonie de baptême ?

 La première naissance

Généralement la femme donne naissance après neuf mois de grossesse. Mais il peut y avoir de cas des naissances précoces pouvant intervenir pendant le septième 7ème ou huitième 8ème mois. La virilité ne suffit pas en Afrique pour être homme, il faut pouvoir faire des enfants. Une femme aussi acquiert le respect et l’admiration de sa belle femme quand elle peut donner naissance. Elle ne doit pas être « celle-là qui ne fait que  manger et aller le reverser dans le water » comme on le dit. Un enfant est une richesse. C’est aussi, un bonheur qui contribue à la solidification des couples.

Dans les villages nigériens, traditionnellement, la première fois quand une femme tombe enceinte, elle est conduite, quelques jours, voire quelques mois avant l’accouchement, chez ses parents où elle sera surveillée par sa mère ou sa tutrice.  Et lorsque l’accouchement surprend tout le monde et qu’il se fait  dans la famille conjugale. Elle est accompagnée dans ce déplacement de maternité par une dame de sa belle-famille, la femme est aussi ramenée chez sa famille d’origine. Elle est accompagnée par la maman du mari, ou sa tante.
Chez elle, on dit qu’elle est venue pour la maternité « ta zo ma aihi » et chez son conjoint on dit « ta tahi ma aihi » elles est partie pour la maternité. Ces propos sont similaires, même au cas où les conjoints sont du même village, la même ville, mais cette fois-ci entre familles.

La future mère restera auprès de ses parents où elle sera choyée et entretenue comme une reine. Car c’est un honneur que sa fille tombe en ceinte étant mariée. Au même moment, la famille du conjoint est  à l’écoute.

 Le jour de la naissance

 Aux premiers signes de l’accouchement, quand les parents n’ont eu le temps d’aller au centre de soin le plus proche, la matrone est informée immédiatement. Elle vient avec ses outils sans trop tarder. Au Niger, chaque village, chaque quartier a sa matrone ou « makarbiya ». C’est elle qui assiste l’accoucheuse. A l’arrivée du bébé, elle coupe le cordon ombilical et lui donne le premier vain. Aussi la matrone dans les villages joue le rôle d’agent d’état civil parce qu’elle dispose d’un cahier sur lequel sont enregistrés les noms, le sexe et le jour de la naissance des nouveaux nés.

 Les hommes n’ont pas accès à la chambre lorsque la femme est en travail contrairement à ce qu’on voit à la télé où le mari filmait l’accouchement. Le placenta avec le cordon ombilical sont enterrés dans la concession des grands parents maternels (dans le cas ou la maman à accouché chez ses parents) ou paternels. Dans le cas où l’accouchement a eu lieu au dispensaire, on les remet aux parents pur venir les enterrer à la maison. Cet acte très symbolique et confère au nouveau-né une identité permettant de jouir de tous les droits comme tout autre habitant de ladite localité. Il n’est pas étonnant d’entre des gens dire lors d’une dispute ou une causerie : que « nan anka busne cibiya ta »  autrement dit,  c’est ici qu’on a enterré son nombril ». Cela c’est  pour prouver à son interlocuteur son appartenance, à la zone, à la localité. L’accouchement terminé, la famille de la femme dépêche un messager pour annoncer la bonne nouvelle à celle du conjoint, qui consiste à dire le jour ; le sexe de l’enfant, et l’état de santé de la mère.

Comment est fixé le jour du baptême

Conformément à la tradition, le jour de l’accouchement détermine celui du baptême. C’est toujours une semaine après la naissance. Si le bébé est le mardi, donc le baptême sera célébré le mardi prochain. Mais attention : si l’enfant est né le lundi à 1 heure du matin, chez certains c’est toujours le lundi. Mais s’il est né la nuit du lundi après la prière de subuh, là on considère que le baptême c’est le mardi. On dit toujours le baptême c’est 7ème jour après l’accouchement, mais en principe c’est le 8e. Car un enfant né le vendredi par exemple, pour son baptême on n’aura : vendredi(1), samedi(2), dimanche(3), lundi(4), mardi(5), mercredi(6), jeudi(7) et vendredi(8).

La famille du père envoie ce qu’on appelle « azabar zahar ». Ce dernier est composé du mil, du savon, du pétrole (pour les lampes à pétrole quand il n y’a pas de lampes troches), du parfum et des habits. Il est important de souligner que dans la tradition nigérienne, avant l’attribution du nom au nouveau-né, il est formellement interdit de le laisser seul dans la maison par crainte qu’il soit échangé par les djinns. C’est pourquoi, chaque fois que la mère va aux toilettes, il faut un gardien pour le bébé en attendant qu’elle revienne. Personne ne prononcera son propre nom avant le baptême.  La mère ne prononce jamais le nom de son premier enfant. Aussi, elle ne manifeste pas publiquement son amour pour l’enfant. Cette pratique n’est-elle pas à la base du comportement attardé qu’on reproche au premier enfant (l’aîné) ?

Ainsi, dès la veille, la famille de la femme se prépare pour recevoir les deux délégations masculine et féminine du jeune père lorsqu’ils sont de villages ou de villes différentes: les parents hommes de la jeune mère et d’autres participants restent à l’entrée de la maison tandis que les femmes sont dans la concession. Ils vont préparer à manger de bonne heure pour la délégation masculine composée de l’Imam du village ou du quartier et d’autres personnes proches.  Cette délégation se rend tôt le matin transportant avec deux moutons bien gras (ceux qui ont des moyens, amènent un taureau), de la cola, et une somme d’argent qui permet de régler certaines dépenses coutumières telles que :

  • 1 000 Fcfa pour le chef du village « kudin mai gari» ;
  • 2 000 Fcfa pour les marabouts « kudin malamai» ;
  • 1 000 Fcfa pour le mai samari;
  • 1 000 Fcfa pour le kungiya mata ;
  • 1 000 Fcfa pour la matrone « kudin makarbiya» ;
  • 1 500 Fcfa pour celle qui prépare pour la jeune mère durant la première semaine de l’accouchement « kudin madakiya» ;
  • 1 000 Fcfa pour les barbiers-coiffeurs « wanzamai ou manzamai » ;
  • 1 000 Fcfa pour les grands parents du nouveau-né « kudin kakani» ;
  • 1 000 Fcfa pour les gaillards du village « kudin kata gari» ;
  • 1 000 Fcfa pour « l’association » des animateurs de la course des chevaux « kudin buntum» ;

Lorsque toutes ces demandes sont satisfaites, comme pour le cas du mariage, la distribution de la cola (plus les dattes parfois) suit, les Imams présents ce jours prononcent à tour de rôle la « fatiya » au cours de laquelle on attribuera un mon à l’enfant conformément à la tradition islamique. Ce nom est, soit tiré du Coran (à l’exception du nom de pharaon), soit proposé par les parents de l’enfant. Mais, ce nom ne sera attribué qu’après avoir égorgé l’un des moutons. C’est la raison pour laquelle, lorsqu’une personne a un surnom, on dit quel est le nom que lui avait attribué son mouton c’est-à-dire son nom du baptême.

Après la « fatiya« , la délégation des hommes ayant assisté aux cérémonies religieuses regagne le village, informe les femmes et autres personnes qui n’y ont pas assisté, du nom de l’enfant. Dans le cas où les conjoints sont du même village, c’est tous les marabouts et toute autre personne de sexe masculin et des vieilles femmes qui assistent à la cérémonie.

Aux environs de 13 heures, après les tâches domestiques, la délégation féminine composée des dames, amies de la femme et des jeunes femmes venues par le canal du mariage partageant la belle-famille avec la jeune mère appelées « matan samri », se rend à la cérémonie. Cette délégation porte avec elle les contributions faites par les proches et amies à la jeune mère.

Dans les environs de 15 heures à 16 heures, un crieur public, le griot, annonce le début d’une petite cérémonie appelée aski « raser la tête de l’enfant ». Le barbier-coiffeur « manzami » ou rase la tête de l’enfant en présence de ses tantes paternelles et maternelles, de ses grands-mères  et autres femmes proches. Ensuite, il procède aux diverses scarifications appelées salka « outre ». Cette coutume consiste à faire de petites cicatrices autour du nombril, sur le dos, sur les genoux, le front, les tempes et les articulations du nouveau-né. Selon la croyance locale, elles protègent l’enfant contre les troubles émotionnels, les stress. Il y a des cas où le  « manzami » coupe la luette de l’enfant ou « le frein à la langue », la petite membrane située au dessous de la langue qui pourrait gêner l’enfant à l’âge adulte. Pour une fille, il vérifie le sexe, s’il est bien formé. Dans le cas contraire, il retire les parties gênantes communément appelées « sarka » ou chaine. Il peut aussi faire la circoncision au petit garçon. Au cours de cette petite cérémonie, le flatteur (dan maba) chante les louanges des familles de deux côtés du nouveau-né. Aussi, circule-t-il de petits cadeaux pour le nouveau-né, qui sont empochés par les wanzamai. À la fin d’aski, les barbiers reçoivent une prime de 8 000 Fcfa, à raison de 4 000 Fcfa côté père et 4 000 Fcfa côté mère.

La délégation féminine passe toute la soirée dans la famille de la jeune mère, chantant  et dansant avec les femmes et les filles du village ou du quartier. Elle rentre tard le soir voire la nuit selon la distance, avec des morceaux de viande pour la belle-famille. Il y a aussi des cas où la jeune mère égorge un bouc (en plus des moutons de père) pour donner à celles et ceux qui lui ont porté leurs contributions et les « personnalités » de sa belle-famille et autres assistants de marque (père, mère, frères, sœurs, tantes, barbier-coiffeur, matrone, etc.) selon les règles coutumières.

La femme regagne son foyer après généralement, quarante jours, deux mois de maternité « bikki »selon les localités et les coutumes. Elle sera accompagnée lors de ce retour « triomphale », par une dame de son village d’origine transportant avec elles quelques kilos de riz et des condiments. Ce qui lui permet de faire sa première préparation après son retour. Cette préparation fait l’objet d’une distribution différente de celle que connaissent les préparations ordinaires. Car elle annonce le retour de la jeune mère.

En cas de seconde naissance

Pour la deuxième grossesse et toutes celles qui vont suivre, la femme ne revient pas chez elle à l’exception de  certaines ethnies comme les peulhs et les touaregs. On considère que la femme a acquis beaucoup d’expériences, surtout en ce qui concerne l’entretien des enfants. Elle  s’est familiarisée avec les membres de sa belle-famille. Et grâce à cet enfant, elle marque son territoire et devient un membre à part entière de la famille.

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Commentaires

Zammo
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Merci Habib de nous faire vivre les évènements sociaux. Le seul Conseil que je dois te donner: faire lire l'article par un autre œil avant de publier, il y a des coquilles qui peuvent "choquer" le lecteur!