Niger : ce qui nous pousse à l’automédication

Article : Niger : ce qui nous pousse à l’automédication
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27 septembre 2016

Niger : ce qui nous pousse à l’automédication

Les Nigériens ont peur d’aller dans les centres de santé pour se faire soigner. Les causes sont liées au mauvais accueil, au temps d’attente très long et aux coût financier. Raison pour laquelle ils font recours à l’automédication ou à la médecine traditionnelle.

Tous les examens médicaux l’ont déclarée diabétique. Notre voisin du village  a tout tenté mais en vain, l’état de santé de sa seule épouse ne fait que s’aggraver. Elle a été très vite, sur ordre d’un politicien, transférée à la capitale où elle a encore suivi une autre batterie de tests. C’est confirmé, elle a ce que les autres médecins croyaient : un taux anormalement élevé de sucre dans le corps. Au début, les rumeurs ont été bon train dans le village : ce sont les « choses de sa famille qui la dérangent », autrement dit, les génies mécontents de son regretté père veulent s’installer chez elle. Finalement, elle a été mise sous traitements et les médecins lui ont imposé une conduite alimentaire stricte : pas d’aliments sucrés ou qui contiennent de l’amidon. Ici au Niger, c’est connu de tous, l’aliment des diabétiques est le sorgho, préparé en bouillie ou en patte. depuis plus d’un an, elle ne mangeait que ces deux rations, son mari avait réservé une grande quantité de sorgho à la maison pour éviter la rupture du stock.

Malgré les traitements, son état de santé ne s’améliorait pas. La femme et son mari ont quitté l’hôpital le soir et sont repartis chez leur hôte. Ils comptaient rester quelques jours, le temps qu’elle reprenne quelques forces avant de revenir au village. Mais elle a été ramenée d’urgence dans une clinique la nuit même, ils avaient avec eux tous les papiers médicaux des autres centres de soins fréquentés. Les infirmiers de garde ce jours ont refusé de la mettre sous de nouveaux soins, ils ont préféré lui faire d’autres tests pour une énième confirmation.

Le lendemain matin à 8 heures, le laborantin transmet les résultats au médecin qui les a demandés. Mais à la surprise de tout le monde, les résultats indiquent que la femme n’est pas diabétique. Au contraire, son taux de sucre dans le sang est très bas, en réalité elle a une hypoglycémie très grave. Quelle contradiction ! Que s’est-il passé lors des précédents tests ? Elle a été admise dans au moins 3 centres de soins différents et tous avaient pourtant révélés la même chose. Où y a t il eu une erreur ? A quel niveau y a t il eu un problème, une mauvaise manipulation ? Des questions qui sont restée longtemps muettes, et ce jusqu’au jour ou j’ai exposé le problème à un médecin qui m’a répondu : « peut être que, lors des examens au labo, les appareils étaient fatigués, au point de sortir un résultat différent ». Dans les trois hôpitaux ? Il ne m’a pas répondu. Quel imbécile ! Pardon je veux dire quel incompétent ! Je pense qu’il m’a donné cette réponse pour se débarrasser de moi. Car, en matière de sciences et technique, il n’y a pas de « peut être », ou de « il parait que ». Je me demande où est-ce qu’il a eu son diplôme celui là.

Quelques semaines après, le femme malade rendit l’âme. depuis, son mari n’a cessé de blâmer les mauvais résultats qui ont certainement entraîné la mort de son épouse. Il refuse de croire à l’efficacité de notre système sanitaire. Ainsi, il a juré de ne plus jamais aller au centre de soin quelque soit la maladie. Du coup il pratique l’automédication. Dans le même ordre d’idées, un autre homme a longtemps été soigné à l’hôpital pour une crise d’hypertension, mais c’est à la dernière minute qu’on a réalisé qu’en réalité il souffrait du diabète.

En effet au Niger, beaucoup d’enquêtes ont démontré que le mauvais accueil constitue l’une des causes de la mortalité dans les centres de soins. Si quelqu’un ne connait personne au centre régional, consulter  devient un parcours du combattant. Il faut d’abord s’y rendre à 6 heures du matin pour faire la queue. Le médecin ne vient jamais avant 8 heures. S’il commence les consultations, il faut aussi que les parents, amis et connaissances passent en consultation avant le patient principal. Une heure après, dans les pires des cas, le médecin passe au kiosque de PMU-Niger pour se procurer un ticket. Quand il revient au bureau, il répond à tous les messages vocaux, whatsapp et SMS qu’il a reçu, ensuite il lit ses notifications Facebook… Pendant ce temps, la queue s’agrandie. Les patients continuent à arriver. A 13 heures ou 14 heures, le médecin doit encore aller à la pause. Il est possible qu’il ne revienne pas à temps pour compenser le temps perdu dans la journée. Le soir, le même scénario recommence. Ce qui fait que certains malades ruraux attendent souvent plus de 48 heures avant de voir un médecin. Alors qu’ils ont tapé plusieurs kilomètres avant de pouvoir être là…

La consultation finie, on te prescrit une longue liste de médicaments à payer, sans te demander ton avis, sans te demander si tu as de l’argent ou pas. Mon expérience à ce niveau est toujours la même. Un jour, un soignant m’a prescrit une ordonnance en recto verso, une liste interminable, comme un TD d’étudiants de la première année à la faculté de droit. En plus, il m’indiqua où je devait chercher et payer ces médicaments. Pourquoi me dire ou je devais aller ? Une ordonnance médicale n’est pas une convocation policière ! Nous sommes en ville, dans un centre urbain et en démocratie ! J’ai le droit d’aller payer mes médicaments ou bon me semble. Je peux aller là où j’ai une réduction de 10% et où mon nom pourra être inscrit sur un cahier pour ne pas avoir à payer comptant directement. Pour ceux qui sont pressés ou ceux qui ne peuvent pas consulter, on leur conseille d’aller dans une clinique. Mais tout le monde sait combien les services des cliniques sont coûteux. Un traitement qui peut coûter 15.000 F CFA dans les hôpitaux publics coûte 10 fois plus cher pour le même service dans une clinique.

C’est pourquoi beaucoup de patients, pour éviter les frustrations, ont recours à l’automédication. Beaucoup, presque tous les Nigériens, sont passé par cette étape au moins une fois dans leur vie. A la pharmacie, tu peux être servi par la simple évocation du nom du médicament, cela sans ordonnance et en plus on explique la posologie gratuitement. Les vendeurs ambulants font aussi leur prescription. Tout le monde est devenu soignant grâce à la pharmacie de la rue : quand on est blessé, on peut prendre un antibiotique et un anti douleur  (cotrimazole + ibuprofen ou amoxicilline + diclofenac). Attention, je n’encourage pas l’automédication qui a aussi ses défauts, mais ce que je dis c’est que si cela s’impose, si on a pas le choix,  mieux vaut cela que de mourir sans rien faire. Beaucoup aussi font recours à la médecine traditionnelle (moins chère et accessible à tous) pour se soigner…

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